Pourquoi est-ce que je déménage sur mon instance Mastodon ?

Cela fait plus de 2 ans que j'utilise le réseau social décentralisé Mastodon. Au départ par curiosité et un peu de scepticisme, puis avec de plus en plus de plaisir à mesure que ma compréhension du système fédéré a évolué. Pourquoi donc changer d'instance, me direz-vous ?

Des oisillons heureux d'avoir trouvé leur instance Mastodon.
Photo par 42 North trouvée sur Unsplash

La décentralisation ? Ça a du bon.

Étant un fervent partisan des modèles décentralisés, il m'a toujours semblé important de ne pas être sur une des instances principales de Mastodon, telles que mastodon.social, framapiaf.org ou mamot.fr. Quand on souhaite ne pas reproduire les écueils liés aux silos de données que sont Facebook, Twitter & co, se servir de l'aspect décentralisé est crucial. Pour ce faire, l'outil de sélection d'instance est un bon début même si j'avoue qu'il peut être assez déroutant. C'est un premier pas.

L'auto-hébergement ? Mangez-en !

Je suis un adepte de longue date de l'auto-hébergement. J'aime expérimenter, être libre de choisir les solutions que j'utilise au quotidien tout en les modifiant à ma convenance. Étant autodidacte, cette méthode a été (et est toujours) un bon moyen de découvrir, apprendre et partager sur des outils libres que j'apprécie. Alors oui, c'est contraignant. Il faut s'occuper des mises à jour, maintenir les machines, mettre en place la sécurité et les alertes pour nous prévenir en cas de soucis, mais je trouve ça formateur et passionnant.

Le choix des logiciels que je décide d'héberger de façon pérenne n'est pas pris à la légère. Autant tester un nouveau soft en tant que seul et unique utilisateur ne présente pas de contrainte particulière, autant c'est plus compliqué pour un outil qui communique avec l'extérieur et crée des liens avec d'autres utilisateurs.

J'ai pris mon temps, pesé le pour et le contre. Après ces 2 années passées, je suis toujours sur ce réseau à partager des liens, échanger avec les gens et que je n'ai pas l'intention d'arrêter. Je souhaitais également mettre en place une instance PeerTube et une instance PixelFed. J'ai naturellement fini par craquer…

Pourquoi faire ?

Tous ces outils seront utilisés en mode utilisateur unique, sauf exceptions si l'envie m'en prend. J'entends par là que les inscriptions ne seront jamais ouvertes à des inconnus. La puissance de la fédération me permet de continuer à échanger avec tous ceux que j'ai rencontré sur mon instance d'origine mais je deviens maître de la plate-forme que j'utilise. J'ai un accès direct aux données et rien ne disparaîtra sauf si l'envie me prend (ou que je me foire royalement sur le système de sauvegardes). Je récupère une cohérence sur mon identité en ligne avec l'utilisation de mon domaine principal simounet.net.

Pourquoi pas vous ?

Je tiens tout d'abord à vous mettre en garde, l'auto-hébergement n'est pas une chose facile. Il faut avoir certaines connaissances techniques (ou avoir l'envie et le temps de les apprendre) et viser long terme. C'est un vrai engagement sur l'avenir. Il vous faut a minima être à l'aise avec l'administration d'un système Linux, la gestion d'un nom de domaine, de sauvegardes et l'installation de solutions parfois complexes mêlant de nombreuses briques technologiques. Le suivi régulier des mises à jour de tout ce système est crucial ! Il n'est absolument pas recommandé d'installer ça dans un coin et de laisser tourner le bouzin tant que ça fonctionne. Vous êtes sûr de courir à la catastrophe.

Pour les intéressés par l'idée d'avoir son instance sans avoir à gérer la partie auto-hébergement, je vous conseille de regarder du côté de chez Masto.host qui vous met à disposition une instance personnelle et s'occupe du reste. C'est payant, mais ce que je vous ai présenté avant l'est aussi. Le truc c'est qu'une mutualisation des applications permet d'amortir les coûts.

L'instant réclame

Si vous souhaitez migrer d'instance sans perdre l'intégralité de vos toots, je me suis fendu d'un utilitaire (que vous pouvez trouver ici) qui vous permettra de les intégrer dans votre futur nouveau chez-vous. Ce n'est pas encore parfait mais c'est ce que j'ai utilisé pour changer d'instance.

Baser son activité sur un service tiers est dangereux

tl;dr : Si demain, le service que vous utilisez pour votre business fermait ses portes sans crier gare, que feriez-vous ?

Plus le temps passe et plus mes doutes  sur le risque de faire reposer son activité sur une plate-forme non-maîtrisée s'avèrent justifiés. Il y a quelques années, nombreux étaient les services dont la plus-value reposait essentiellement sur l'API de sites tels que Twitter qui se sont retrouvés le bec dans l'eau. Aujourd'hui, c'est au tour de certains YouTubeurs de s'insurger contre la politique de Google concernant les mises en avant de certaines vidéos. Leur représentant semble tout trouvé en la personne du millionaire PewDiePie qui à sorti un bluff auquel personne n'a cru. Pour information, ce dernier possède la chaîne la plus suivie de YouTube : 50 millions d'abonnés (à l'heure où je rédige ces lignes), rien que ça.

Un aquarium symbolisant le vase clôt dans lequel il est parfois préférable de placer son site web.

Goldfish bowl with goldfish by garhol

Mais revenons-en à nos moutons. Je prends l'exemple assez parlant de YouTube car la mise en place d'une chaîne y est instantanée. Créez un compte, mettez en ligne une vidéo ou lancez un direct et l'aventure commence. La notoriété du service, beaucoup de talent et une certaine régularité peuvent être un excellent tremplin pour se faire connaître. Après plusieurs années de labeur à faire fructifier sa chaîne, à construire une communauté, Google décide du jour au lendemain que ce que vous produisez ne correspond plus à leur charte d'utilisation. Vous pensiez avoir construit votre nid douillet ? Vous n'étiez en fait qu'un simple résident d'un hôtel de luxe hébergé gracieusement par la direction. Cette dernière a décidé de revoir ses exigences et vous claque la porte au nez sans autre forme de procès. Votre page constituait l'unique moyen pour interagir avec vos fans ? Dommage !

L’algorithme de recommandations est un exemple concret du problème que je viens d'énoncer. Hier chacune de vos vidéos était mise en avant. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas et aucun moyen de savoir exactement pourquoi.

Je ne suis pas en train de dédouaner Google pour sa gestion de YouTube. Je souligne simplement l'importance donnée aux endroits où les contenus générant des revenus, ou importants à nos yeux, sont placés est énorme. Medium en est l'exemple le plus récent. Pour ma part, l'indépendance est un facteur capital. La création d'une base d'utilisateurs fidèles relève d'une alchimie complexe. Devoir la faire bouger de ses habitudes est un exercice périlleux qui peut coûter cher.

Quelles implications ?

D'utiliser un service tiers

Points positifs

  • Aller plus vite au démarrage d'un service
  • Profiter de la notoriété du service utilisé
  • Réduire les coûts d'infrastructure, maintenance…
  • Réduire le nombre de compétences techniques requises

Points négatifs

  • Tributaire du moindre changement (passage du gratuit au payant, mise en avant, conditions d'utilisation…)
  • Difficile à faire évoluer dans son sens
  • Aucune maîtrise des données engrangées par le fournisseur (profilage de vos utilisateurs, régies pubs et cookies à gogo)

D'utiliser un service que nous gérons

Pour cette partie, partez de l'inverse des points cités plus haut et complétez avec ce qui suit.

Points positifs

  • Vous êtes chez vous !
  • Vous choisissez complètement l'expérience de vos utilisateurs !
  • Déplacements de serveurs, de noms de domaines… comme vous le souhaitez
  • Possibilité d'ajouter des fonctionnalités manquantes ou supprimer celles qui ne servent pas

Points négatifs

  • Forte contrainte de gestion au quotidien
  • Coûts pouvant être importants (hébergement, nom de domaine, bande passante…)

Conclusion

A minima, multiplier les sources qui servent vos contenus me parait être une position pertinente.  Avoir un chez-soi comme hub central devrait être un des premiers objectifs sur votre liste des choses à faire. Quelle que soit la tactique que vous adoptez, vous ne pourrez plus dire que vous n'étiez pas au courant.

L’auto-hébergement oui, mais sans oublier le backup

L'auto-hébergement, c'est bien

La dégooglisation par Framasoft bat son plein et les services de cloud personnel n'ont jamais été aussi simples à installer. En grand amateur du libre, je ne peux que m'en réjouir. Je m'étonne cependant du manque d'informations concernant une partie importante, que dis-je, cruciale pour toute opération sur des données numériques critiques : la sauvegarde.
Les manuels pour la mise en place et l'utilisation de ces services sont bien fournis. Les guides pour vous aider à basculer d'un service propriétaire centralisé vers ces logiciels libres à installer où bon vous semblent pullulent sur la toile. Mais quid des principes de base de l'auto-hébergement ?

Gérer son infrastructure, c'est mieux

Ces services que vous aviez pris l'habitude d'utiliser tels que Dropbox ou Google Drive ne se contentent pas de synchroniser des données. Leur infrastructure assure :
- une haute disponibilité (la plupart d'entre nous peut plus ou moins s'en accommoder),
- les mises à jour de sécurité côté serveur (étape assez simple sur les 2 solutions citées en début d'article),
- la redondance des données par une vraie politique de sauvegarde automatique.

C'est à cette dernière étape qui m'inquiète particulièrement tant j'ai l'impression qu'elle est sous-estimée et peu présente dans l'esprit des personnes qui se lancent dans l'aventure.
Que se passera-t-il lorsque plusieurs mois ou années de documents versionnés, de calendriers, de carnets d'adresse, se retrouveront coincées à jamais au cœur d'un disque dur ayant décidé de rendre l'âme ? Là où l'utilisateur a tendance à oublier la qualité d'une infrastructure professionnelle sachant se rendre invisible, une personne non-avertie pourrait avoir une bien mauvaise surprise et finir par blâmer l'éditeur de la solution qu'il utilise pour la perte de ses données même si ce dernier n'y est pour rien.

Photo de backup par Tim Reckmann sous licence Creative Commons

photo de Tim Reckmann sous licence Creative Commons

Éduquer à chaque étape

Le sensibilisation à cette problématique de sauvegarde auprès des administrateurs en herbe me semble cruciale. Je conçois que c'est une partie compliquée, moins vendeuse et chronophage en terme de développement et de documentation. Quand on se veut être une solution de stockage, informer ses utilisateurs de ce que ça représente, des risques qu'ils prennent et de comment les éviter ne devrait pas être en option, perdu au fin fond d'une doc', d'un forum ou d'un blog.
Un encart devrait donner des informations d'ordre général sur le sujet au début de l'installation pour expliquer à l'utilisateur à quoi il s'engage et fournir à minima des liens vers des articles de fond sur la mise en place de sauvegarde lors de la dernière étape.

Un disque dur ne suffit pas

Ayant déjà quelques scripts de backup maison à base de rsync, je ne me suis pas encore penché sur la question d'un vrai processus de sauvegarde interne au logiciel que j'utilise. En proposer par défaut pourrait avoir une vraie valeur ajoutée. Vous trouverez ci-dessous quelques idées en vrac pouvant être mises en œuvre.

Le minimum :

  • Un rsync des fichiers de l'instance vers un autre disque que celui utilisé (utiliser une autre partition du même disque ne sert à rien)
  • Backup automatisé de la base de données de l'instance

Aller plus loin :

  • Archive + SSH / FTP
  • Envoyer à un ami, un parent une archive cryptée (entière ou incrémentale)
  • Utilisation d'un service tiers pour gérer les sauvegardes (pas vraiment compatible avec l'idée d'auto-hébergement mais mieux vaut ça que pas de sauvegardes du tout)
  • Service annexe (API) avec un serveur distant pouvant monitorer l'état et la version du backup ainsi que sa restauration en cas de besoin

Pour finir

Le but de cet article n'est en aucun cas de taper sur les solutions libres permettant aux utilisateurs de s'affranchir des géants du net et surtout de contrôler où et comment sont stockées leurs données. Je souhaitais appuyer sur un point important et qui me semble être sous-exposé pour le moment. Que vous vous auto-hébergiez ou pas, prévoyez quoi qu'il arrive la sauvegarde de vos données importantes. N'attendez pas qu'il soit trop tard !